Le Vaisseau du Temps a été mon troisième LDVELH de chez Walrus, c’est aussi le troisième qui avait été publié par cette excellente maison d’édition 100% numérique. Du coup ça peut sembler étrange d’en parler seulement maintenant, alors que je l’ai acheté en mai 2012 très peu de temps après sa sortie. À l’époque, je me suis jeté dessus à peine téléchargé (je m’en souviens encore, je l’avais lu-joué sur mon smartphone) et j’ai fait quelques tentatives non couronnées de succès, l’impression de ne pas avancer, de tourner en rond pour trouver ce foutu élévateur que je ne trouvai jamais. Le tout accompagné d’une sensation de peu de liberté. J’avais vite (trop vite ?) abandonné à ce moment, très vite refroidi.
Il faut dire que je sortais à l’époque de Dead Space 2 et que je m’attendais à retrouver l’ambiance survival horror du jeu. Et qu’il n’en était rien pour ce que j’avais pu voir.
Et puis, il y a eu cette volonté croissante depuis bientôt un an d’écrire un LDVELH, couplée à ma “redécouverte” estivale du genre. Du coup, je reprends aussi les LDVELH numériques que j’ai achetés chez Walrus. Je m’étais bien amusé à refaire quelques uns des nombreux chemins possibles de Menu Cthulhu. Je m’apprête d’ici peu à me perdre une fois de plus dans le dédale de La Bibliothèque Infernale et à retenter une Plongée sur R’lyeh. Autant d’excellentes expériences (toutes trois chroniquées dans cette section de la Taverne) qui ont contribué à relancer mon intérêt pour les récits interactifs. Mais il y avait ce Vaisseau du Temps qui me regardait toujours d’un drôle d’air malheureux dans son coin. Alors je lui ai redonné sa chance et me suis rendu de nouveau dans les entrailles de l’ISS Léviathan.
Donc m’y revoilà. Même début linéaire, ne proposant pas beaucoup d’originalité et ne se révélant pas très palpitant. Retour au passage où il faut trouver ce fichu élévateur… Plus attentif que lors de ma lecture passée, je me suis vite dépêtré de ce mini labyrinthe pour trouver l’accès aux autres étages.
Là, ça commence à devenir plus intéressant car une ambiance commence à se mettre en place. L’ISS Léviathan commence à se révéler comme un lieu mystérieux et on commence à se prendre à l’histoire. Vraiment. Me voilà heureux d’avoir redonné sa chance à cette aventure. Mais très vite, les défauts reprennent le dessus et nous font même oublier les bons passages de l’aventure (pourtant je suis sûr qu’il y en a eu, mais qui ont été remplacés dans ma mémoire par les aspects négatifs).
L’aventure est excessivement linéaire. Lorsque des choix multiples sont proposés au lecteur-joueur, soit il s’agit de choisir (je caricature à peine) entre aller à droite ou à gauche, soit les paragraphes nous permettent d’explorer tous les choix. La notion même de choix perd alors tout sens. Pire encore, il n’est pas rare d’enchainer une dizaine de paragraphes sans que le récit nous offre la moindre alternative. La descente du puits est un modèle du genre… terriblement frustrant. Je ne parle même pas du paragraphe 201 qui se réduit à “…allez au 175”, le dit paragraphe 175 nous offrant un laconique “…allez au 60”. Ok c’est pour faire un effet de suspense ici, mais après les innombrables sessions où l’on demeure sur des rails, ça tombe à l’eau.
Et il reste un aspect qui tue totalement le principe même du LDVELH : la fin. Là encore, l’intention de l’auteur (même si elle est hyper téléphonée) est louable, mais dans tout LDVELH (en tout cas je n’en ai pas encore rencontré qui déroge à la règle), on atteint nécessairement, au pire, une meilleure fin possible (comme dans Menu Cthulhu où l’on meurt forcément, mais une des fins permet quand même de sauver l’humanité en retour). Là, rien de tout ça. Il n’y a aucun paragraphe de fin (j’ai vérifié). Frustrant.
Dernière critique : il n’y a aucune illustration. C’est très dommageable à l’immersion. Je pense que certains passages auraient été plus marquant en étant illustrés. Quand j’ouvre un de mes vieux LDVELH après quinze ans, les illustrations me sautent aux yeux et m’arrachent un sourire ému accompagné d’un “Ah ! Mais oui. Je m’en rappelle.” des plus nostalgiques. Les illustrations sont partie intégrante des LDVELH. Leur absence est perturbante.
Pourtant, il y a de bonnes idées dans ce LDVELH, je ne le nie pas. Le découpage en chapitres qui peuvent s’apparenter à autant de niveau que le lecteur-joueur va devoir franchir est bien pensé. Il apporte la possibilité notable que lorsque l’on meurt dans un chapitre, le “allez au” renvoie au début de ce chapitre et pas au début de l’aventure. C’est tout à fait appréciable, surtout qu’ici il n’y a pas d’équipement, pas d’information utile pour la suite, juste l’exploration du Vaisseau et la découverte strate après strate des évènements qui l’ont conduit jusqu’à l’orbite terrestre.
Les flashbacks du personnage que l’on incarne étoffent celui-ci ainsi qu’une partie du background de l’histoire terrestre. C’est plaisant car ces aspects sont généralement peu exploités dans les LDVELH.
Et puis la nature même de l’ISS Léviathan et de son hôte laissait entrevoir de si formidables possibilités mais, comme pour ma lecture de L’Homme au Cheval de Brume, je trouve que le traitement choisi pour l’intrigue se serait prêté davantage à un récit classique et non interactif. Il y avait du potentiel, mais les idées (elles sont pourtant bien là, j’insiste là-dessus) sont trop vite exploitées et ne laissent pas de place à l’interactivité.
Tout ceci me faisant clairement prendre conscience de la difficulté de l’exercice consistant à écrire un LDVELH…
Ma note : 6/20